Eau: De l'Urgence de Passer des Paroles aux Actes

Publié le par dita

Le 28 mars 2007

Hier, le rapport du Programme des Nations-Unies pour le Développement dénonçait la crise mondiale de l’eau : plus de 1,1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et 2,6 milliards manquent de services sanitaires. Aujourd’hui, le rapport de World Wide Fund analyse les dangers du manque d’eau à l’échelle mondiale, entre conflits sub-régionaux et quelques 200 millions de réfugiés climatiques. Demain, avec le retour de la saison sèche, au Niger où la moitié de la population n’a pas accès à l’eau potable, la pénurie d’eau tuera une fois encore brutalement, immanquablement, inexorablement.

L’Assemblée Mondiale des Elus et Citoyens de l’Eau (AMECE) s’est terminée au Parlement européen, à Bruxelles, sur un constat : il est urgent de passer à des solutions concrètes, efficaces, à court et à long terme, au Nord comme au Sud de la planète. Mot d’ordre : combattre le scandale mondial de l’eau (construit via le Washington consensus) et développer une alliance mondiale pour l’eau (à construire via un Water consensus). Au cœur des échanges : le rôle central de l’Etat régulateur et le désir citoyen de réappropriation de l’ « or bleu », l’un et l’autre à ériger en Water warriors. Quatre cibles : pour le droit à un accès universel, pour un bien commun, pour un financement solidaire, pour une gestion participative. Aujourd’hui chacun est de retour dans le confort de ses pénates. Demain chacun sera à nouveau confronté à son gouvernement… Or les états majors des partis politiques belges s’affèrent à poser la dernière main sur leur programme de campagne en vue des prochaines législatives. Dès lors pour dépasser les grands messes, les chartes et autres déclarations de belles intentions, comment décliner ces quatre objectifs pour que la Belgique de demain passe des paroles aux actes ?

Reconnaître le droit à l’eau passera par la constitutionnalisation de l’accès à l’eau et aux services sanitaires de base dans les textes fondamentaux. D’abord, dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) : pour les 60 ans de la DUDH (2008), la Belgique doit agir pour que le droit à l’eau y soit inscrit ! Ensuite dans une convention internationale sur l’eau dans le cadre des Nations Unies (NU) : une telle convention – peut-être sur la même logique que la Convention pour la promotion de la diversité culturelle – constituerait le socle commun et cohérent de règlements pour tous les pays et clarifierait le rôle de l’Etat en tant que fournisseur d’une eau salubre et abordable pour tous ses citoyens. Enfin, aux côtés de nombreux pays (de l’Afrique du Sud à la RDC, de l’Equateur à l’Uruguay…), la Belgique doit inscrire une référence directe à l’accès à l’eau dans sa Constitution !

Ces bases juridiques étant posées, il convient dès lors de déterminer un espace politique permettant un accès universel à l’eau. Pour ce faire, défendre l’eau comme un bien commun signifie l’exclusion de l’eau de tous les processus de libéralisation commerciale, de privatisation sauvage, voire de domination impérialiste. En la matière, les trois Régions belges, fortes de la mobilisation de nombreuses collectivités locales, peuvent relayer la revendication du refus de toute marchandisation de l’eau via une double initiative. D’une part saisir le prochain gouvernement fédéral en lui demandant d’organiser une grande conférence nationale de « mise à plat » des menaces qui pèsent sur les services publics, et singulièrement sur l’eau. Et d’autre part interpeller la Commission européenne via le Comité des Régions afin qu’aucune demande de libéralisation de l’eau ne soit adressée à un quelconque partenaire de l’Union dans le cadre des nombreux accords de libre échange en cours de négociation.

Vient ensuite la question cruciale du financement de l’accès universel à l’eau. En termes de rapports Nord/Sud, au-delà de la nécessité d’une meilleure gestion des fonds actuels, il est clair que des investissements constants et additionnels reste une priorité. Dans cette perspective, on réservera un bon accueil aux initiatives de fonds grâce aux « centimes de la solidarité » de certaines régions d’Europe, dont les trois Régions belges. Avec impatience quant à leur activation. Avec curiosité quant à leurs efficacité et fonctionnement. Et avec un plaisir non-dissimulé s’ils sont strictement additionnels aux moyens déjà mobilisés par l’Etat belge. Par ailleurs, la réallocation d’une partie des marges dégagées par toute annulation de la dette, la déconnexion des conditionnalités des institutions financières internationales ou encore le développement d’une véritable fiscalité mondiale* sont autant d’armes qui permettront au Sud notamment un auto-financement de ses besoins en matière d’eau.

Enfin en termes de gouvernance mondiale, tout cela doit être développé sous l’égide et la responsabilité d’une Agence Mondiale de l’Eau. Cette Agence spécialisée et rattachée aux Nations-Unies assurerait la gestion démocratique et transparente de la politique mondiale de l’eau. Elle se verrait notamment confiées les missions suivantes : a) veiller à la subordination des politiques des institutions internationales, financières et commerciales - qui ont, ces dernières décennies, imposé la privatisation de l’eau - à l’objectif de l’accès universel de l’eau, b) gérer et coordonner tous les moyens financiers alloués à l’accès universel à l’eau, c) remplacer l’illégitime Conseil Mondial de l’eau - organisme non-représentatif reflétant essentiellement l’influence des institutions financières internationales et des transnationales de l’eau -, d) organiser le Forum Mondial de l’Eau, dont le prochain rendez-vous est fixé à Istanbul en 2009.

Voici les quatre pistes de conclusions et d’engagements de l’AMECE qui attendent une traduction politique forte au niveau national et une initiative diplomatique déterminée aux niveaux supra-nationaux concernés. Nous les adressons aujourd’hui aux responsables politiques de notre pays, avec qui nous prenons rendez-vous dans le gouvernement de demain. Désamorcer la bombe hydrique sur laquelle le monde est assis en est à ce prix.

 

source : http://www.indymedia.be/

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